Biréli Lagrène : portrait d’un maître de la guitare
Biographie
Biréli Lagrène est né le 4 septembre 1966 à Soufflenheim, en Alsace, au sein d’une famille manouche profondément imprégnée de musique. Son père et son grand-père étaient guitaristes, son frère aîné aussi : il grandit donc dans un environnement où la guitare fait partie du quotidien.
Il commence à jouer très jeune, et dès l’âge de 4 ans, il s’initie au répertoire de Django Reinhardt, qu’il maîtrise déjà avant ses dix ans. Véritable enfant prodige, il se fait remarquer dans les années 1980 lorsqu’il enregistre Routes to Django à seulement 13 ans, surprenant la scène jazz par sa maturité et sa virtuosité.
Mais Biréli Lagrène n’est pas resté figé dans l’hommage à Django. Curieux et avide d’exploration, il s’ouvre très tôt au jazz moderne, au bop, au jazz fusion et même au funk et à la pop. Dans les années 1980 et 1990, il collabore avec des musiciens prestigieux tels que Jaco Pastorius, John McLaughlin, Stéphane Grappelli, Al Di Meola ou encore Larry Coryell. Ces rencontres élargissent son langage musical, et l’installent comme un guitariste polyvalent capable de passer du swing acoustique à l’improvisation électrique la plus audacieuse.
Au cours de sa carrière, Biréli a alterné entre des projets d’hommage à Django et à ses racines manouches (Gipsy Project, My Favorite Django) et des explorations plus contemporaines (Inferno, Mouvements, Storyteller). Cette double identité fait de lui un musicien singulier : héritier d’une tradition, mais aussi inventeur, toujours en mouvement.
Aujourd’hui, Biréli Lagrène est considéré comme l’un des guitaristes européens les plus influents de sa génération. Sa carrière est jalonnée de concerts dans les plus grands festivals (Marciac, Montreux, Vienne, Newport) et d’une discographie riche qui témoigne de sa créativité et de sa virtuosité.
Discographie sélective
1980 – Routes to Django: Live at the Krokodil : premier enregistrement marquant, alors qu’il est encore adolescent, hommage direct à Django Reinhardt.
1986 – Stuttgart Aria : premières collaborations internationales, ouverture stylistique.
1988 – Inferno : album fusion, électrique, qui montre sa volonté de dépasser le cadre du jazz manouche.
1989 – Foreign Affairs : prolongement de sa période jazz-fusion.
1990 – Acoustic Moments : retour à une esthétique plus dépouillée et acoustique.
1992 – Standards : relectures des grands classiques du jazz, affirmation de son langage.
1994 – Live in Marciac : témoignage de sa puissance scénique.
1995 – My Favorite Django : hommage explicite à Django Reinhardt.
1998 – Blue Eyes : album au ton plus mélodique, alternant jazz et chanson.
1999 – Duet (avec Sylvain Luc) : dialogue guitare-guitare d’une rare complicité.
2001 – Front Page : projet fusion, au croisement du jazz moderne et du groove.
2002 – Gipsy Project : retour affirmé aux racines manouches.
2007 – Just the Way You Are (Biréli Lagrène Gipsy Project) : variations autour de standards, compositions et adaptations.
2009 – Summertime (avec Sylvain Luc) : duo acoustique autour de standards.
2012 – Mouvements : album riche en influences, du jazz au blues en passant par des couleurs plus modernes.
2018 – Storyteller : projet contemporain avec Larry Grenadier et Mino Cinélu.
2020 – Remembering Jaco (avec Multiquarium Big Band) : hommage vibrant à Jaco Pastorius.
2022 – Solo Suites : album solo intimiste, entre virtuosité et mélancolie.
2023 – Biréli Lagrène plays Loulou Gasté : relecture jazz manouche du répertoire de Loulou Gasté.
Aspects techniques de jeu
Biréli Lagrène est reconnu pour sa polyvalence technique et son inventivité permanente. Voici quelques éléments qui caractérisent son jeu :
Main droite
Maîtrise du rest stroke picking (hérité du style manouche) quand il joue acoustique.
Capacité à passer au jeu plus fluide, proche du picking jazz américain, lorsqu’il est en électrique.
Grande précision rythmique, même dans les tempos très rapides.
Main gauche
Fluidité exceptionnelle, permettant des descentes et montées d’arpèges à grande vitesse.
Usage fréquent de chromatismes et de passages “outside” (notes hors tonalité) pour enrichir ses improvisations.
Phrasé
Mélange de phrasés manouches (arpèges, gammes diminuées, mineures harmoniques) et de phrasés bebop (enchaînements rapides, accentuations en contre-temps).
Goût pour l’improvisation libre, parfois proche du jazz moderne ou du fusion.
Rythme & groove
Il possède un sens aigu du swing, mais aussi une facilité à se fondre dans des grooves funk, rock ou fusion.
Sa capacité à jouer aussi bien en accompagnement (pompe manouche, comping jazz) qu’en soliste virtuose est impressionnante.
Matériel & sonorités
Il alterne entre guitare manouche acoustique (type Selmer-Maccaferri), guitares jazz hollow body, et parfois guitares électriques plus modernes.
Peu d’effets : il privilégie le toucher, l’attaque et la dynamique.
Approche artistique
Biréli n’hésite pas à brouiller les frontières entre les genres : dans un même concert, il peut passer d’un swing manouche pur à une improvisation électrique proche de John McLaughlin.
Sa force réside dans sa capacité d’adaptation : quel que soit le style, il garde une voix reconnaissable.
Héritage
Biréli Lagrène incarne l’union entre la tradition manouche et la modernité jazz. S’il est l’un des plus grands héritiers de Django Reinhardt, il est aussi l’un des rares guitaristes européens à avoir gagné la reconnaissance des grands noms du jazz américain.
Il reste une référence incontournable : pour les musiciens manouches, un modèle de virtuosité ; pour les jazzmen, un improvisateur inventif ; et pour le public, un artiste complet capable d’émouvoir autant que d’impressionner.